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PREMIER ENTRETIEN LE 23 AOUT 2000 A POLLEUR EN BELGIQUE

Polleur est un charmant village de la campagne ardennaise situé aux environs de Verviers, laquelle ville se trouve à une trentaine de kilomètre de Liège. C’est donc par Verviers que je décide de commencer mes recherches car trouver Polleur n’est pas si simple. Je suis obligé de demander mon chemin et c’est finalement précédé par une voiture de police que je fais mon entrée à Polleur. Quand on sait l’image que donne Macherot de la police dans ses histoires, on mesure ce que la situation a de cocasse. Arrivé devant la maison de Macherot, j’ai la surprise de constater qu’elle ressemble plus à un pavillon tiré des Pirates du silence dont Will, ami de Macherot avait dessiné tous les décors, qu’à la vieille ferme que j’imaginais. Alors Macherot : le campagnard de la bande dessinée ? Pas tant que cela. En fait, sa maison se rattache plus à l’esprit de l’Atomium de Bruxelles qu’à l’univers de Chlorophylle. Je sonne. Un chien aboie. Macherot vient m’ouvrir et faire taire le chien qui s’appelle " Gamin ". L’entretien commence.

AP : Mon album préféré, c’est Les Croquillards.

RM : Oui, moi aussi.

AP : Je vous avoue que j’aime pas tout ce que vous avez fait.

RM : Heureusement.

JM (arrivant): J’ai rencontré le garde-champêtre qui m’a réprimandée parce que j’étais mal garée. Pourtant, je le connais depuis qu’il est tout petit. Mais il m’a répondu qu’il ne connaissait personne quand il avait son insigne.

AP : Cela pourrait être inclus dans l’une de vos histoires. Pourquoi n’avez-vous pas continué dans le style des Croquillards ?

RM : J’aurais bien voulu mais l’éditeur ne le souhaitait pas.

AP : J’aime bien aussi Le violon de Zagabor.

RM : Ah oui ! Surtout avec la musique. Dommage, il aurait fallu que l’on puisse entendre la musique sur cette histoire. C’est une sorte de musique slave, inquiétante... Et puis, au début de l’histoire, il y a cette neige qui recouvre tout. Vous savez, ici la neige monte jusqu’au balcon.

 

                                                         La fagne de POLLEUR

AP : Vos méchants le sont vraiment. Ils cherchent à manger les autres

JM : Oui, mais toi tu n’as jamais menti aux enfants. Tu leur as toujours dit la vérité. Vous savez, l’autre fois ils présentaient des furets au centre commercial. Eh bien, les enfants n’avaient pas peur. Ils voulaient tous toucher les furets.

AP : Vos décors dans Les Croquillards sont géniaux. Par exemple, cette rue (planche ? ? ?).

RM : Çà, c’est fait d’après modèle. Et puis, quitte à les mettre dans un décor, autant les mettre dans un décor provençal.

AP : Et le téléphone, il est génial ce téléphone !

JM : Nous en avions un comme celui-là.

AP : En tout cas, j’aime beaucoup Coquefredouille. On aimerait y vivre si, bien sûr, il n’y avait pas ces carnivores. Ce qui est amusant aussi, c’est la façon dont vous présentez les fonctionnaires, la police et l’armée.

RM : Je cherchais juste à faire rire les copains.

JM : Il a quand même été commis aux écritures pendant un an. Mais il n’avait pas le droit de toucher aux registres car il écrivait trop mal : " Pas Macherot ! Pas Macherot ! ".

AP : Et l’armée ? Elle est tellement amusante.

RM : J’étais dans la marine, pas dans l’armée de terre.

AP : Pourquoi n’avez-vous pas continué Le Père La Houle ?

JM et RM : Parce que cela ne marchait pas.

AP : Pourquoi avoir quitté Le Journal de Tintin ?

RM : Parce que mes albums n’étaient plus édités que dans la collection Jeune Europe avec des couvertures souples brochées. Il faut aussi dire qu’à cette époque j’étais un peu considéré comme un anarchiste.

JM : Oh oui ! Il avait même eu des ennuis parce que l’on voyait apparaître une femme avec des bigoudis à sa fenêtre.

RM : J’ai toujours voulu comprendre ce qui se passe dans la tête d’un méchant et c’est un peu ce que j’ai mis dans mes bandes dessinées.

AP :Il y aurait donc deux Macherot, un méchant et l’autre gentil, et c’est ce que l’on retrouve dans vos bandes dessinées ?

RM : Oh non, je ne crois pas.

AP :Je crois que j’aime ce que vous faites parce que mon inconscient enfantin a été touché par le vôtre.

RM : Quand j’étais petit, j’étais scout. On s’ennuyait un peu alors je m’inventais des histoires. C’est un peu cela que l’on retrouve dans mes bandes dessinées. Vous savez mon grand problème c’est d’avoir vieilli car au fond je suis resté un enfant. En fait, mes histoires sont inspirées des romans populaires de la fin du 19ème siècle, Eugène Sue par exemple.

AP :Je connais un psychologue à qui j’ai montré quelques uns de vos dessins. Il m’a dit qu’il y avait quelque chose de sexuel dans certains. Par exemple celui-ci avec l’onomatopée " SLIP " et la poule quelque peu aguicheuse encore cet autre avec la guêpe au bout d’un baton.

JM et RM (quelque peu dubitatifs) : Un psychiatre avait dit à Morris que Rantanplan avait un regard de S.S.AP :Isabelle et le tableau enchanté, c’est aussi de vous ?

RM : J’ai juste trouvé l’idée de la fenêtre qui s’éclaire dans le tableau mais le scénario n’est pas de moi.

AP : Et Mulligan ?

RM : Je ne m’en souviens plus.

AP : Et Sybilline s’envole ?

RM : Oh çà, ce n’est pas de moi..

AP : Oui le scénario est de Deliège. Et Chaminou ?

 

RM : Ah ! J’aimais bien Chaminou.

AP : Personnellement, je trouve que le dessin était un peu agressif, un peu trop moderne avec tous ces néons. Parlons un peu d’Anthracite. C’est un vrai méchant, il est combatif.

RM : Anthracite, il finit toujours en prison où il se lamente sur son sort.

AP : Et aujourd’hui, que faites-vous ?

RM : Je ne dessine plus. Je peins encore des tableaux dans un style naïf. C’est ce que j’aime. Et puis surtout ce qui m’intéresse, ce sont les coquillages, leurs formes, leurs couleurs. Je ne sais pas ce qu’en dirait un psychiatre. Tenez, on peut y entendre la mer. Et puis, il y a ma petite-fille. Quand elle vient, on joue à la marchande. Je suis celui qui vient acheter des coquillages.

JM : Il en a tout un paquet en haut.

AP : Quelle âge a votre petite fille ?

JM : Huit ans. Elle adore les chiens mais l’autre fois elle s’est fait mordre assez sérieusement.

AP : Avez-vous eu des problèmes de censure avec Hergé ?

JM et RM  : Oh non ! Hergé était très gentil. Il n’a jamais rien dit.

JM (s’adressant à son mari) : Il aimait bien ce que tu faisait.

AP : Et Cuvelier ? Vous l’avez connu ? Il était comment ?

JM et RM  : Il était un peu spécial.

AP : Comment faisiez-vous pour travailler ? Comment cela se passait-il ?

RM : Je faisais la route jusqu'à Bruxelles où je faisais mes huit heures puis je rentrais.

JM  : C’était moins cher que de prendre un appartement.

AP : Et puis après, vous avez fait toutes vos planches ici ?

RM : Je faisais une planche en noir et blanc puis on l’envoyait. Ils nous renvoyaient une sorte de photocopie.

AP : Cela ne se perdait pas ?

JM  : On l’envoyait en recommandé. Après on mettait en couleur.

AP : C’est vous qui faisiez cela ?

JM  : Oui. Après, au moment de l’édition, on regardait : " Tiens, c’est encore le jaune qui est trop sorti. ".

JM et RM  : Nous formions une bonne équipe. Vous savez que cela fait cinquante ans que nous sommes mariés. Ce n’est pas rien. Nous nous sommes mariés en 1949. Ils avaient fait une fête à Polleur l’année dernière.

 AP : Et le lettrage, c’était fait comment ?

RM  : C’était moi. Vous savez, les phylactères.

AP : Vous faisiez tout, même les grosses lettres ?

RM  : Oui, tout.

AP : J’ai moins aimé Sibylline et le Kugulde

JM et RM  : C’est parce que vous ne connaissez pas. C’est une légende de chez nous.

RM  : Il y avait aussi la Dame en noir, avec son nez qui grossit de plus en plus.

 
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